Alors que le Mali annonce une initiative gratuite en matière de santé, l’exemple de la Sierra Leone peut-il servir de leçon ?

Alors que les réformes de santé visant à réduire la mortalité infantile et maternelle au Mali sont annoncées, que peut-on faire pour en assurer le succès ?

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Les taux de mortalité infantile et maternelle au Mali sont parmi les plus élevés au monde. Selon l’UNICEF, le Mali se classe au neuvième rang des pays ayant les taux de mortalité infantile les plus élevés. Sur 1 000 bébés nés dans le pays en 2016, 36 sont décédés avant la fin du premier mois. Bien que le nombre de décès maternels ait diminué de moitié au cours des deux décennies entre 1995 et 2015, le Mali doit encore relever des défis importants pour espérer atteindre le troisième objectif du programme de développement durable.

Au vu de ces défis, il est important de reconnaître les réformes substantielles des systèmes de santé annoncées la semaine dernière par le gouvernement malien. L’initiative vise à améliorer l’accès aux services de santé pour les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes, les nouveau-nés, les enfants et les adolescents. Dès 2022, le Mali fournira gratuitement des soins de santé aux femmes enceintes et aux enfants de moins de cinq ans, ainsi que des contraceptifs gratuits. Le gouvernement prévoit d’augmenter le nombre de professionnels en matière de santé communautaire, pour venir en aide aux 18 millions d’habitants que compte le pays.

Bien que de nombreuses personnes n’aient pas accès aux services de santé en raison d’une pénurie de l’offre vis-à-vis de la demande au Mali, il est clair que les tickets modérateurs représentent un obstacle essentiel à l’accès aux services de santé. Un récent programme pilote, mené dans une zone semi-urbaine de Bamako, la capitale du Mali, a montré que faciliter l’accès aux services de santé pour les mères et les nourrissons avait permis de réduire considérablement les taux de mortalité infantile.

Comment transformer cette volonté politique en un véritable succès ?

Les leçons apprises par la Sierra Leone, en particulier, donnent de nombreux éléments de réponse. En effet, on y apprend notamment la nécessité de donner au système de santé le temps de se préparer. Le fait d’éliminer un obstacle majeur pour la population en demande - les tickets modérateurs - entraîne sans surprise une forte augmentation de la demande ; les femmes et les enfants qui n’avaient pas les moyens auparavant, affluent désormais dans les structures dédiées. Pour que l’offre réponde à cette demande supplémentaire, un renforcement systématique est nécessaire. Ce qui implique :

  • Augmenter le montant des sommes allouées aux services de santé pour faire face aux besoins croissants en médicaments, professionnels de santé et produits de première nécessité. Une stratégie relative au financement de la santé est cruciale pour répondre aux besoins budgétaires. La réalisation d’une étude sur la marge budgétaire pourrait permettre au ministère des Finances et aux donateurs soucieux des indicateurs de santé macro-économiques de se rendre compte que la suppression du ticket modérateur n’aura pas d’incidence importante sur le budget (car les tickets modérateurs apportent peu de ressources aux budgets nationaux) et qu’ils peuvent être remplacés par des formes de financement beaucoup plus progressives, telles que la fiscalité des entreprises.
  • Davantage de professionnels de la santé devront être répartis dans tout le pays pour pouvoir faire face à l’augmentation de la demande. Dans de nombreux pays où les tickets modérateurs ont été supprimés, des augmentations de salaire ont été négociées afin de compenser les efforts supplémentaires fournis par les professionnels de la santé pour répondre à la demande accrue.
  • Plus de médicaments et de produits destinés à des groupes cibles spécifiques devront être achetés et fournis – les donateurs ont soutenu cette demande dans d’autres pays. Une planification minutieuse et une distinction entre recouvrement des coûts et médicaments gratuits seront essentielles.

Apprendre de l’expérience des autres

Une longue guerre civile en Sierra Leone, qui a pris fin en 2002, a paralysé le pays et affaibli ses systèmes de santé. Pour améliorer les résultats en matière de santé de la population, le gouvernement de la Sierra Leone a lancé, en 2010, l’Initiative visant à rendre les services de santé gratuits. Il s’agissait de supprimer le ticket modérateur pour les femmes enceintes, les mères allaitantes et les enfants de moins de cinq ans.

D’autres enseignements ont été tirés de cette même initiative de gratuité des soins en Sierra Leone, parmi lesquels la nécessité :

  • de se concentrer sur la qualité des soins dès le départ, sans quoi, celle-ci diminuera davantage encore faute de ressources ;
  • d’investir dans le développement institutionnel du ministère de la Santé afin de gérer la politique et le système de santé, en évitant les systèmes parallèles et en renforçant les capacités de planification et de dotation en personnel ;
  • d’élaborer une politique de financement de la santé afin que la suppression des tickets modérateurs soit institutionnalisée sur le long terme ; et
  • de s’engager aux côtés des communautés pour faciliter le transport vers les dispensaires, diffuser des informations sur les droits et les avantages en matière de services de santé, et sensibiliser la population aux signes de danger relatifs aux femmes et aux enfants.

C’est en effet une excellente nouvelle pour le Mali et nous avons besoin de plus d’informations comme celle-ci si nous voulons contribuer à améliorer les systèmes de santé et améliorer l’accès aux services de santé pour tous. Il est important de ne pas se perdre dans des discours du type « C’est inabordable ». Le projet peut aboutir si le ministère de la Santé dispose du temps et de l’autorité nécessaires pour s’y préparer. La Sierra Leone l’a fait en huit mois. Et regardez l’impact que ça a eu !

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